Israël a infligé deux coups dévastateurs à ses ennemis.
Il n'a pas été confirmé que cela tué le leader politique du Hamas Ismail Haniyeh à Téhéran, mais il est difficile de voir qui d’autre aurait souhaité sa mort plus que les Israéliens. Quant au commandant du Hezbollah, Fuad Shukr, Israël dit qu'il a été tué à Beyrouth dans le cadre d’une « élimination basée sur le renseignement ».
Pour Israël, tous les hauts responsables du Hamas sont une cible légitime après les attentats du 7 octobre 2023, qui ont infligé à Israël la pire journée de sang versé depuis l’indépendance en 1948.
Selon Israël, Fuad Shukr a été tué parce qu'en tant que commandant vétéran du Hezbollah, il était responsable de l'attaque à la roquette qui a tué 12 enfants et jeunes sur les hauteurs du Golan occupées par Israël.
Le Hezbollah a confirmé que le terroriste avait été tué lors du raid contre Beyrouth. Il nie avoir mené l'attaque dans le Golan.
Une fois de plus, les spéculations sur l’imminence d’une guerre totale redoutée depuis le 7 octobre se multiplient au Moyen-Orient. L’ironie du sort est que personne ne souhaite cette guerre, mais que de plus en plus de parties sont prêtes à la risquer.
Les Israéliens subissent la pression de leurs alliés américains pour calibrer leur réponse au Hezbollah, en infligeant un coup qui blessera le groupe sans provoquer de représailles dévastatrices et déclencher une guerre plus large et plus profonde.
Mais deux assassinats représentent un pari majeur.
Sous la pression de ses alliés à Washington, Israël a voulu porter un coup au Hezbollah sans provoquer de représailles dévastatrices. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pourrait néanmoins décider qu’une attaque contre son bastion au sud de Beyrouth justifie une attaque équivalente contre Tel-Aviv.
Israël a peut-être aussi calculé que l’Iran n’entrerait pas en guerre contre un dirigeant palestinien assassiné, même si sa mort dans leur capitale, sous leur protection, constitue une humiliation.
Tuer Haniyeh, juste après sa rencontre avec le nouveau président iranien, est une démonstration dramatique de l’influence d’Israël.
La République islamique pensait avoir rétabli la dissuasion en tirant des centaines de missiles et de drones sur Israël en avril. Cette affirmation s'est révélée creuse. Le bombardement d'avril était aussi une mesure de représailles à la frappe aérienne israélienne qui a tué deux généraux iraniens à l'ambassade d'Iran à Damas.
Il est certain que l’Iran, son allié Hezbollah ou l’un de ses mandataires vont riposter. Les milices pro-iraniennes en Irak ont clairement fait savoir qu’elles imputent également la responsabilité de ce qui s’est passé aux États-Unis. Dans la mer Rouge, les Houthis pourraient redoubler leurs attaques depuis le Yémen.
Les moyens du Hamas sont limités après des mois d'attaques israéliennes à Gaza. Mais les Israéliens sont en état d'alerte maximale en cas d'attaques en Cisjordanie occupée ou à l'intérieur même d'Israël.
Il est important de comprendre que le Moyen-Orient est déjà en proie à une guerre régionale, mais il faut aussi reconnaître que la situation pourrait empirer.
Pour autant, cette série de meurtres et de représailles ne sera peut-être pas l’étincelle qui déclenchera une guerre totale, même s’il est facile d’élaborer des scénarios basés sur les risques et réalités clairs et dangereux dans la région la plus turbulente du monde.
Le fait de se retirer du gouffre à plusieurs reprises ne rend pas la guerre moins probable. Il rend plus difficile la construction d’une voie diplomatique pour échapper à la menace imminente d’un conflit ouvert.
La seule première étape crédible pour faire baisser la température mortelle au Moyen-Orient est un cessez-le-feu à Gaza.
Ces dernières semaines, les Américains ont déclaré que le cessez-le-feu se rapprochait. C'était toujours difficile à imaginer tant les deux camps avaient des définitions très différentes d'un cessez-le-feu acceptable. Pour le Hamas, un cessez-le-feu signifiait un retrait israélien et la fin des hostilités. Pour Israël, cela signifiait une pause qui permettait la libération de certains ou de tous les otages survivants, et le droit de reprendre la guerre par la suite.
Un cessez-le-feu à Gaza semble désormais plus lointain que jamais, même si le secrétaire d’État américain Antony Blinken a réaffirmé qu’il restait la priorité diplomatique des États-Unis.
Ismaïl Haniyeh était l'un des principaux responsables du Hamas lors des négociations de cessez-le-feu. Avec ses collègues, il communiquait avec les États-Unis et Israël par l'intermédiaire du chef des services secrets égyptiens et du Premier ministre du Qatar, Cheikh Mohamed bin Jassim al Thani.
Le Premier ministre a publié sa réponse à l’assassinat de Haniyeh sur X, en écrivant : « Les assassinats politiques et le ciblage continu des civils à Gaza alors que les négociations se poursuivent nous amènent à nous demander comment la médiation peut réussir lorsqu’une partie assassine le négociateur de l’autre côté. »
Cet assassinat correspond davantage à la conception du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’une « victoire totale » sur le Hamas qu’à l’idée américaine selon laquelle un cessez-le-feu est vital pour éviter une catastrophe régionale encore plus profonde.
Cela renforcera également la conviction des critiques de M. Netanyahu à l'intérieur et à l'extérieur d'Israël qu'il veut prolonger la guerre, pour éviter le moment où il devra rendre des comptes sur les erreurs qu'il a commises et qui ont permis au Hamas d'attaquer avec des conséquences aussi dévastatrices le 7 octobre.
Les Américains et les Français ont également travaillé dur pour trouver un moyen diplomatique de mettre un terme à la guerre frontalière entre Israël et le Hezbollah. Mais la première étape vitale serait un cessez-le-feu à Gaza, et la perspective d'un cessez-le-feu a pris un nouveau coup.