
Des armes gratuites pour certains, des prêts paralysants pour d’autres : Pékin relance son offensive diplomatique pour contrer les États-Unis
Lors du Forum sur la coopération sino-africaine 2024 (FOCAC), qui s’est tenu du 4 au 6 septembre, le dirigeant chinois Xi Jinping a exhorté les pays africains à renouveler leur engagement en faveur de l’initiative Ceinture et Route (BRI), malgré les nombreuses critiques qualifiant le projet de piège de la dette. Bien que Pékin nie ces accusations, environ 60 % des pays à faible revenu sont confrontés à un surendettement, les prêts BRI étant souvent le point de bascule. De nombreux projets restent inachevés et d’autres n’apportent que peu ou pas d’avantages aux populations locales des pays débiteurs. Ces prêts, cependant, créent des opportunités de corruption et d’enrichissement monétaire sans condition pour les dirigeants autoritaires qui en bénéficient personnellement, ce qui rend les prêts chinois plus attractifs dans certains cas que l’aide américaine.
Le slogan du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) de 2024, « Un avenir commun pour la Chine et l’Afrique », reflète la tentative de Pékin de se positionner comme le sauveur anticolonialiste du continent. C’est ironique, sachant que les États-Unis n’ont jamais eu de colonie en Afrique, et pourtant la Chine présente son engagement comme un sauvetage de l’Afrique du prétendu « colonialisme » américain. Parallèlement aux promesses de commerce et d’investissement, Pékin a promis 150 millions de dollars d’aide militaire à l’Afrique. Cependant, le terme « aide » met en évidence une différence essentielle entre les approches américaines et chinoises de l’engagement envers le monde en développement. Lorsque les États-Unis fournissent de l’aide, il s’agit généralement d’une subvention ou d’un cadeau. En revanche, une grande partie de ce que la Chine appelle « aide » consiste en des prêts concessionnels, souvent à intérêt et garantis par des ressources naturelles, ce qui renforce encore davantage les dépendances économiques.
Au cours des dernières années, plusieurs pays africains se sont rapprochés de la sphère d’influence de la Chine, principalement sous l’impulsion des investissements économiques et des projets d’infrastructures de Pékin dans le cadre de l’initiative Belt and Road (BRI). Des pays comme le Zimbabwe, le Soudan, l’Érythrée, Djibouti et l’Angola ont renforcé leurs liens avec la Chine grâce à ces initiatives, qui offrent souvent des financements plus faciles que l’aide occidentale, généralement liée à des conditions liées à la démocratisation et aux droits de l’homme. Par exemple, le Zimbabwe, soumis à des sanctions occidentales pour violations des droits de l’homme, s’est tourné vers la Chine pour obtenir un soutien économique et politique, obtenant des investissements dans des projets tels que l’hydroélectricité et les infrastructures aéroportuaires, sans être soumis aux conditions politiques qui accompagnent généralement les programmes d’aide occidentaux.
Le Soudan, lui aussi isolé par les sanctions occidentales, est devenu de plus en plus dépendant de la Chine pour ses investissements, notamment dans son industrie pétrolière vitale, tout en s’appuyant sur le soutien diplomatique de Pékin dans les forums internationaux comme les Nations Unies. Ce soutien a aidé le Soudan à maintenir un certain degré de stabilité économique malgré les pressions mondiales et l’isolement des systèmes financiers occidentaux. Parallèlement, l’Afrique du Sud, membre à la fois des BRICS et de l’Initiative Ceinture et Route (BRI), s’est également rapprochée de la sphère d’influence de la Chine. Les deux pays ont renforcé leurs liens stratégiques, illustrés par des exercices militaires conjoints menés avec l’Armée populaire de libération (APL). Cette coopération militaire reflète l’alignement croissant de l’Afrique du Sud sur la vision géopolitique de Pékin, consolidant davantage son rôle de partenaire clé dans la stratégie mondiale de la Chine.
L’Érythrée, longtemps isolée en raison de son bilan en matière de droits de l’homme, a également renforcé ses liens avec la Chine, en bénéficiant d’investissements dans son secteur minier et de sa coopération militaire. Ces développements ont fourni à l’Érythrée un soutien économique et politique indispensable sans les conditions strictes généralement imposées par les puissances occidentales. Djibouti, stratégiquement situé le long des principales routes maritimes mondiales, abrite la première base militaire d’outre-mer de la Chine, symbolisant l’alignement militaire et économique croissant entre les deux nations. Pendant ce temps, l’Angola, qui se remet encore de sa guerre civile, est devenu fortement dépendant des prêts et des investissements chinois, en particulier dans le secteur pétrolier, renforçant ainsi ses liens économiques avec Pékin.
L’approche adoptée par la Chine à l’égard des pays africains, qui consiste à leur proposer des infrastructures sans les conditions politiques généralement imposées par les pays occidentaux, lui a permis d’étendre son influence sur tout le continent. Cette stratégie, souvent décrite comme une politique de non-ingérence, permet à la Chine de dialoguer avec les gouvernements sans exercer de pression sur eux sur des questions telles que la démocratisation ou les droits de l’homme. En leur apportant un soutien diplomatique, en réalisant des investissements stratégiques dans des secteurs comme l’énergie et les mines, et en favorisant la coopération militaire, la Chine a cultivé des relations solides et des partenariats croissants. La volonté de la Chine d’offrir un soutien financier sans exiger de réformes de gouvernance ou de transparence a rendu ses investissements particulièrement attrayants pour les dirigeants des pays en quête de développement mais méfiants à l’égard de la surveillance occidentale.
De l’autre côté du monde, plus tôt dans la semaine, la Chine a offert deux navires de guerre au Cambodge, renforçant ainsi les capacités navales du pays sur la base navale de Ream, d’une importance stratégique. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie plus large de Pékin visant à étendre sa présence militaire et son influence en Asie du Sud-Est, tout en sapant simultanément l’influence américaine dans la région. La base navale de Ream, qui fait l’objet d’expansions soutenues par la Chine, est un atout essentiel en raison de son emplacement le long de routes maritimes clés. Ce geste de la Chine s’inscrit dans la lignée de ses efforts pour construire un axe anti-occidental, exacerbant les tensions régionales et remettant en cause la domination des États-Unis et de leurs alliés en Asie et en Afrique. En renforçant la puissance navale du Cambodge, la Chine renforce son emprise stratégique dans l’Indo-Pacifique, intensifiant encore la concurrence géopolitique dans la région.
La Chine achète des amis et influence des pays d’Afrique et d’Asie, construisant un axe et menaçant la politique étrangère américaine dans deux régions stratégiques.